Editorial

Aziza, une première dans un grand talk show arabe : « je tends la main aux autres mamans, pour qu’elles sortent de l’ombre ! »

Tout le monde en parle. On l’aura vue ce samedi soir dans tout le Maghreb et aux quatre coins de France, dans l’émission Tunisienne de grande écoute Labès, talk-show du samedi soir.

Aziza prend une longue inspiration, et puis, elle se lance. Quelques minutes pour raconter comment sa vie a basculé. Quelques minutes pour PRÉVENIR les autres.
17 départs, 13 décès – rien que dans Sevran en Seine-Saint-Denis. L’un d’eux s’appelait Sami, il avait 20 ans. C’était son fils.

Il aimait la vie. Il aimait la musique. Il chantait. Il aimait les filles. Il n’était pas religieux.
Et puis fin 2013 un collègue de sa société de gardiennage a commencé à l’endoctriner. Un rabatteur. Il gagnera 15 000 euros pour ça.
Aziza a remarqué qu’il priait de plus en plus. Qu’il allait tout le temps à la mosquée. Qu’il refusait de serrer la main à sa patronne. Une accumulation de signes.

Elle l’alerte. « Attention avec ces extrémistes, ils sont prêts à tout. »
« T’inquiète maman, c’est des fous, tu crois quoi je vais pas finir avec eux »

Et pourtant, il finira par mentir. Il finira par partir. . .  « avec eux ».
Ou plutôt, pour eux mais sans eux. Les rabatteurs prennent 15 000 euros par endoctriné envoyé en Syrie. Eux, ils restent au chaud.
En avril 2014, moins de 6 mois après la rencontre avec le rabatteur, son fils demande à accomplir le pèlerinage à la Mecque, la Omra, pour son anniversaire. Il ira jusqu’à acheter le billet d’avion avec sa mère pour faire illusion. En réalité, c’est un prétexte pour faire sa valise. Le pèlerinage, il a menti, il ne le fera jamais. Et puis quelques jours avant la date du départ, il disparaît.
Sa soeur reçoit un sms. Comme le dit Aziza, « il est parti en traître ». Il est parti en Turquie. Il va en Syrie. Il croit qu’il va « défendre la veuve et l’orphelin ». Le fils d’une autre mère s’échappera à la première occasion, horrifié une fois sur place par la barbarie.

Aziza n’hésite pas à alerter les autorités. Elle appelle la police. Elle appelle l’ambassade de France en Turquie pour que son fils soit intercepté. Tant pis s’il est arrêté, au moins il ne commettra pas de crime, il ne perdra pas la vie.
Mais rien n’est fait. Ni la France ni la Turquie ne lèvent le petit doigt.
Au bout d’un mois et demi elles ont des nouvelles de lui via la messagerie Skype. Il n’a pas été jugé apte au combat par l’organisation terroriste, il s’occupe d’internet. Au moins il ne commettra à priori aucune violence.
Il va se marier avec une jeune femme, qui tombera enceinte de lui.

C’est elle, via Skype, un an et demi après la rencontre fatale, qui va annoncer à Aziza que son fils n’est plus de ce monde. Il s’est tué dans un accident de la route en mars 2015, en se rendant dans la région de Shaddadi en Syrie. Aziza sera la première mère de France à recevoir un certificat de décès envoyé par l’organisation terroriste, ainsi qu’une vidéo de l’enterrement de son fils, via les réseaux sociaux.

Tout le monde a vu les images samedi dans l’émission Labès.

Alors aujourd’hui Aziza a mué sa peine en colère. Un combat contre les rabatteurs, contre les prêcheurs de haine financés par les pétromonarchies, contre des élus qui ont déroulé le tapis rouge aux intégristes par clientélisme électoral, contre les « grands frères » qui « tiennent les murs » et entraînent les plus jeunes à détester tout ce qui est différent, contre les autorités qui ont laissé faire.
Mais elle a un message pour nous tous. Il ne faut pas se croire à l’abri. Ça peut arriver à tout le monde. Dans les banlieues sous pression salafiste permanente évidemment où trop de jeunes se laissent séduire par une lecture sectaire à contre-courant de l’islam de leurs parents – mais aussi dans le 16ème arrondissement de Paris à la suite de la mauvaise rencontre au mauvais moment pour une jeune fille de famille chrétienne.

Aziza, première mère en France à recevoir un certificat de décès signé de Daech, première mère à témoigner devant les spectateurs du Maghreb tout entier, a rejoint la Brigade des Mères dont elle est un pilier. Son témoignage a été recueilli à la télévision, en Tunisie aussi bien qu’en France, et par des journaux comme Rue du Maghreb. Avec des mères comme Nadia Remadna, fondatrice de la Brigade des Mères, ou Saliha Ben Ali, mère Belge fondatrice de SAVE Belgium, elle a été un fer de lance du Sommet de Tunis de l’association mondiale des Familles Contre le Terrorisme et l’Extrémisme, FATE.

Son message est simple : JE TENDS LA MAIN AUX MAMANS POUR QU’ELLES SORTENT DE L’OMBRE.

Il faut oser PARLER des choses qui fâchent !

Et depuis samedi, dans la rue à Tunis, à l’aéroport, dans le taxi, en France, la parole se libère de part et d’autre de la Méditerranée. MERCI A TOI AZIZA de la Brigade des Mères!

Lien Youtube de l’émission Labès (on ne peut visionner en France malheureusement)

Un article en langue arabe de RT Tunisie

Un article sur le combat de Saliha